Organisées à Genève en partenariat avec plusieurs institutions* suisses, françaises et canadiennes, les Journées de recherche et de pratique en pédagogie instrumentale et vocale, se consacrent cette année à la question de l’usage des technologies dans l’enseignement de la musique.
Deux conférences invitées (Pierre-François Coen et Isabelle Héroux) et une vingtaine de contributions de professeurs, de développeurs ou encore d’étudiants ont permis de constater que cette question est brûlante aujourd’hui, car l’intégration des technologies numériques comporte une multitude de facettes.
Certains contributeurs ont insisté sur le caractère attractif et motivant des technologies, d’autres sur leur potentiel expressif et créatif, d’autres encore sur la nécessité d’une réflexion pédagogique sur leur utilisation par les professeurs dans leur cours ou dans le cadre de leur formation. Les différentes contributions ont fait apparaître une constellation de postures, de propositions et de stratégies qui montrent bien qu’un certain flou règne dans les usages des technologies numériques dans les pratiques professionnelles.
Deux logiques semblent se détacher :
1) Les technologies s’inscrivent dans un développement organologique et artistique et permettent d’élargir les champs de productions musicales. Il s’agit ici d’activités qui permettent de découvrir de nouveaux horizons expressifs, par exemple en alliant geste, image, musique. Les musiciens travaillent en ateliers ou en laboratoires et vivent de nouvelles expériences. Ils disposent de puissants outils qui leur permettent d’exprimer leur créativité. Cette première optique n’a pas a priori pour vocation l’apprentissage, même si des enfants (élèves) sont parfois associés à des projets ou des réalisations. L’enjeu est l’expérience artistique, le processus créatif et la réalisation d’une production.
2) Les technologies sont intégrées à l’acte pédagogique et sont des instruments permettant de repenser la médiation et le rapport aux savoirs. Dans cette logique, les technologies peuvent ouvrir de nouvelles approches pédagogiques notamment lorsqu’elles s’intéressent au processus d’apprentissage, aux interactions entre les acteurs, à l’autonomie des élèves ou encore à leurs stratégies de travail personnel. Elles rendent possibles de nouvelles pratiques, mais peuvent aussi faire resurgir de vieilles façons de faire habillées sous des décors ludiques. L’enjeu ici est un centrage sur l’apprenant et ses apprentissages.
Si la première logique séduit d’emblée les musiciens par son côté créatif et innovant, elle se heurte aux aspects techniques et financiers. En effet, disposer des ressources pour acquérir les appareils et les logiciels pour monter un laboratoire ne s’envisage que dans des certains contextes particuliers ou privilégiés. La seconde logique questionne les pratiques enseignantes, car pour les changer il ne suffit pas de vanter les avantages de telle ou telle technologie, il faut vraiment s’interroger sur ce que font les enseignants, sur les représentations qu’ils ont de l’apprentissage et, à partir de là, susciter le désir de changement.
A travers des ateliers où différentes questions ont été traitées, les 4émes JRPM de Genève ont permis de voir tout l’intérêt de ce thème. Les institutions ont compris toute l’importance de ce thème et l’abordent aujourd’hui avec un enthousiasme certain. Souhaitons cependant que les expériences conduites dans les années 2’000 à l’école publique (en autres) servent de guide pour éviter que ne se reproduisent certaines erreurs. Souhaitons aussi que les étudiants d’aujourd’hui – encore sur la réserve – empoignent à bras le corps les nouvelles questions qui surgissent. Les problèmes d’attention des élèves, de modélisation des conduites enseignantes par des machines ou encore les aspects éthiques liées à l’utilisation des technologies numériques les concerneront tout particulièrement, il convient qu’ils s’y préparent.
[cet article a été publié sur le blog de l’IRPM le 25.02.2017]
* Institutions partenaires de la manifestation : Haute école de musique Genève – Neuchâtel, Haute école de musique HEMU Vaud, Valais Fribourg,Institut supérieur des arts de Toulouse, Conservatoire national supérieur de musique et danse de Paris, Institut romand de pédagogie musicale, Université du Québec à Montréal, Faculté de musique de l’Université Laval de Québec, Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre de Genève et l’ASRREM.
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